Cryptoactifs ou actifs numériques : de quoi s’agit-il ?
Les cryptoactifs, appelés actifs numériques par le législateur français, peuvent être définis comme des représentations numériques de valeurs ou de droits pouvant être transférés et/ou stockés électroniquement, en ayant recours à la blockchain ou à toute autre technologie similaire.
Souvent désignés par le terme de « crypto-monnaies », il en existe plusieurs centaines dans le monde.
Le plus connu et le plus ancien est bien évidemment le BITCOIN, né en 2009, il est l’œuvre d’un collectif anonyme baptisé Satoshi Nakamoto.
L’essor des cryptoactifs débute quelques années après. Pour autant, les Etats ont tardé à adapter leur législation à ces nouveaux actifs.
En France, c’est la loi PACTE promulguée en mai 2019 qui a introduit dans le droit français les premières dispositions législatives propres aux actifs numériques. A ce titre, elle contient trois volets importants : l’un relatif aux levées de fonds via l’émission de jetons, l’autre concerne les prestataires de services sur actifs numériques et enfin le troisième est propre aux fonds d’investissement.
Au niveau de l’Union Européenne, un projet de règlement "Market in Crypto Assets" (MiCA) est en cours d’élaboration, il vise à encadrer les cryptoactifs en Europe, la Commission des affaires économiques du Parlement européen l’a adopté tout récemment, ce qui pourrait permettre une entrée en vigueur du règlement d'ici 2024.
Et pour l’anecdote, le Salvador met tout en œuvre pour faire du BITCOIN une monnaie légale, étant ainsi le premier Etat à en faire une monnaie officielle, ce que le FMI cherche à empêcher, estimant qu’une telle décision pourrait compromettre l'intégrité et la stabilité financière du pays.
Il est à noter qu’à ce jour, les NFT, acronyme du terme “non fongible token” sont soumis à la même fiscalité que les crypto-monnaies, le législateur n’ayant pas encore adopté de textes propres à ce type d’actifs, pourtant bien différent car non fongible et représentatif d’un titre de propriété.
La fiscalité des actifs numériques
S’agissant du traitement fiscal de ces actifs, la doctrine de l’administration fiscale a longtemps prévalue. Elle prévoyait notamment que les gains de cessions de cryptoactifs réalisés de manière occasionnelle par des particuliers entrent dans la catégorie des BNC (profits non commerciaux).
Or, le Conseil d’Etat a invalidé partiellement cette doctrine, dans un arrêt en date du 26 avril 2018, considérant qu’il fallait distinguer le gain de cession lié à l’activité d’achat-revente de cryptoactifs, gain devant relever de la catégorie des plus-value de cession de biens meubles, et les profits résultant de la participation au système à travers une activité de minage, qui eux relevaient des BNC.
Enfin, lorsque l’activité est exercée à titre habituel, et qu’elle présente les caractéristiques d’une activité commerciale, alors les profits qui en sont issus relèvent de la catégorie des BIC (bénéfices industriels et commerciaux).
Le droit fiscal prévoit donc actuellement 3 régimes fiscaux qui s'appliquent distinctement selon le contexte de réalisation des gains :
- soit les gains de cession proviennent d'opérations d'achat-revente ne présentant pas les critères d'une activité professionnelle et ils sont taxés dans la catégorie des plus-values de biens meubles au taux de 30% ;
- soit les gains proviennent d'une activité de minage et ils gsont imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des BNC ;
- soit les gains proviennent d'une activité commerciale professionnelle, et ils sont alors imposés au barème progressif dans la catégorie des BIC.
Mais la dernière loi de finances, adoptée fin décembre 2021 aménage le dispositif en vigueur jusqu’à présent.
Attention, les dispositions qu’elle contient ne seront applicables qu’au 1er janvier 2023.
En conséquence, pour l’ensemble des opérations réalisées en 2022, il convient d’appliquer les dispositions exposées ci-dessus.
Quels changements en 2023 ?
A compter du 1er janvier 2023, les plus-values réalisées dans un cadre professionnel seront imposées selon le régime des bénéfices non commerciaux (BNC) et non plus selon celui des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Les plus-values réalisées dans un cadre non professionnel, seront taxées en principe au taux forfaitaire de 12,8 %, mais pourront, sur option, être soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Enfin, la loi de finances s’efforce de fournir des critères objectifs permettant de distinguer activité professionnelle et non professionnelle.
Ainsi, le critère d’habitude ne devra plus être pris en considération, il conviendra de s’attacher uniquement à l’analyse des conditions dans lesquelles l’activité est exercée.
Le législateur effectuant ainsi un alignement entre les règles applicables aux cessions de cryptoactifs et celles applicables aux opérations de bourse.
L’exposé des motifs de la loi de finances fait notamment référence aux opérations bénéficiant de frais de transaction préférentiels en contrepartie d'un engagement à échanger un certain volume d'actifs numériques par mois ou encore le recours à des outils professionnels ou à des pratiques de trading complexes.
Cette évolution était particulièrement souhaitée, dans la mesure où elle fait cesser la menace d’une requalification des plus-values de cession en BIC professionnels pour bon nombre d’investisseurs.
Dès l’année prochaine, la fréquence des opérations, ainsi que le montant des plus-values réalisées, ne seront plus des critères de qualification d'une activité professionnelle.
Quel est le fait générateur de l’impôt ?
Le législateur français considère que toutes les cessions à titre onéreux d’actifs numériques sont imposables. Il vise ainsi les cessions réalisées en contrepartie d’une monnaie ayant cours légal mais également les échanges d’actifs numériques contre un bien n’entrant pas dans cette catégorie, les échanges d’actifs numériques avec soulte, et enfin le paiement d’un service au moyen d’un cryptoactif.
En conséquence, il est admis que les opérations d'échanges sans soulte entre actifs numériques soient considérées comme des opérations intercalaires, et qu’elles bénéficient d'un sursis d'imposition.
Concrètement, si vous avez acheté du matériel informatique et payé ce matériel en BTC, l’opération est considérée comme une cession imposable.
Si vous avez cédé des actifs numériques et reçu en contrepartie un paiement en euros, l’opération est considérée comme une cession imposable.
En revanche, si vous avez échangé 1 BTC contre 1440 ATOM, il s’agit d’une opération intercalaire qui ne génèrera aucune imposition.
Et comment doit-on calculer les plus-values ?
Comme il est impossible d’identifier le prix d’acquisition d’un actif numérique au sein d’un portefeuille d’actifs, il convient de procéder de la même manière que pour les cessions de titres au sein d’un PEA. Cela consiste à considérer chaque opération comme un retrait partiel, imposable à hauteur d’une quote-part de la valorisation globale du portefeuille.
Ainsi la plus ou moins-value brute est égale à la différence entre le prix de cession et le produit du prix total d'acquisition de l'ensemble du portefeuille d'actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.
Soit l’application de la formule suivante : plus ou moins-value brute = prix de cession − [prix total d'acquisition × prix de cession / valeur globale du portefeuille]
Le montant de la plus-value de cession d'actifs numériques devant être déterminé pour sa valeur en euros, chaque élément de détermination de la plus-value doit être convertis en euros par application du taux de change à la date de chaque opération.
Quelles sont les obligations déclaratives ?
Toute personne physique domiciliée fiscalement en France dont l'un des membres du foyer fiscal a réalisé en 2020, directement ou par personne interposée, une ou des plus ou moins-values de cession à titre onéreux d'actifs numériques doit déclarer ces revenus lors de l'établissement de la déclaration d'ensemble des revenus.
Pour cela, il faut utiliser le formulaire fiscal dédié aux gains de cessions d’actifs numériques, il s’agit du CERFA 2086 qui est une déclaration annexe à la déclaration 2042 d'ensemble des revenus.
Il existe un dispositif d’exonération lorsque la somme des prix des différentes cessions réalisées directement ou indirectement n'excède pas 305 € au cours de l'année d'imposition.
Il est à noter que les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au titre de ladite année. Il n’est donc pas possible de reporter sur les années suivantes des moins-values non imputées l’année de leur réalisation.
Que pensez des dernières évolutions législatives sur le sujet ?
Pour conclure cet article, on peut relever que les aménagements apportés au régime fiscal des gains de cession d’actifs numériques étaient souhaités par la plupart des acteurs du secteur.
Cependant, si le législateur tente d’apporter une clarification au régime bien trop flou actuellement en vigueur, en particulier en ce qui concerne la distinction entre investisseurs professionnels et non professionnels, on peut regretter :
La distinction proposée manque encore de clarté, la référence aux investisseurs en bourse n’étant pas pleinement satisfaisante dans la mesure où elle comporte elle-même des incertitudes. Espérons que les décrets d’application, ou les évolutions doctrinales permettront de lever une grande partie des incertitudes sans pour autant fixer un cadre trop strict laissant ainsi une marge de négociation aux contribuables concernés par de futurs contrôles de l’administration.
Les aménagements proposés voient leur entrée en vigueur reportée au 1er janvier 2023, on a donc une situation de statu quo pour tous les gains réalisés en 2022, engendrant questionnements et risques de requalification.
Enfin, notons que le sujet des gains de cessions de BITCOIN mérite une réflexion à part depuis que le Salvador a reconnu celui-ci comme monnaie officielle, la question se pose de savoir si le BITCOIN est toujours un actif numérique, ou s'il s'agit désormais d'une devise, avec toutes les conséquences fiscales que cela implique.
On le voit, la fiscalité des cryptoactifs sera certainement encore à l’origine de nombreuses interrogations, interprétations, et malheureusement de contentieux !
Aussi, nous nous tenons à votre disposition pour vous accompagner sur ces questions techniques et à fort enjeu.
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